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En haut, cuir tannage végétal, en bas cuir tannage minéral, on voit sa tendance à être plus souple.
Tannage végétal versus minéral, lequel est le meilleur ?
Historiquement, le tannage végétal est le plus ancien, son processus était beaucoup plus lent que celui du tannage minéral, ce qui le rendait plus couteux.
Le tannage minéral pratiqué en tannerie n’apparait qu’au 19ème siècle.
Bien que des progrès aient été réalisés pour calquer les deux processus sur des cycles industriel similaires et dans les mêmes installations, la part du tannage minéral reste prépondérante au niveau mondial. (85% contre 15%).
Les cuirs ayant reçu un tannage végétal sont généralement plus rigides que ceux au tannage minéral, même si les tanneries sont en mesure de compenser ces caractéristiques par des opérations mécaniques permettent d’assouplir ou de compresser voire « crisper » les fibres.
Avant d’avoir reçu une finition filmogène les cuirs tannage végétal peuvent être modelés et sculptés en repoussant mais en conservant la fleur, à l’aide d’outils appelés matoirs.
Leur résistance à la chaleur est modérée, au maximum soixante à soixante-dix degrés, contre une centaine de degrés pour ceux au tannage minéral, ce qui doit être pris en compte lorsqu’on les travaille.
Les bords de coupe des cuirs tannage végétal peuvent être humidifiés et polis par frottement, par brunissage, les fibres ont une bonne tenue et une capacité à s’agglomérer, à se polir.
Les cuirs tannage minéral sont trop mous pour cela et leur assemblage pour réaliser un article de maroquinerie est généralement conçu pour que les bords de coupe soient dissimulés.
Quand cela n’est pas possible, les bords doivent être peints sur leur tranche pour présenter un état de surface esthétique et retardant la prise d’humidité.
Comme nous allons le voir, l’un n’est pas meilleur que l’autre, ils ont une esthétique, des propriétés, des comportements différents, qui doivent être pris en compte dans le travail de recherche esthétique et de conception.
Il y a un vaste débat pour savoir si l’impact environnemental du tannage minéral est pire que celui du tannage végétal dans lequel je ne m’exposerai pas, faute d’expertise dans ce domaine.
Je note simplement que les choses ne sont pas aussi simples que certains le prétendent, les arguments mis en avant au profit du tannage végétal sont liés à la nature chimique des agents de tannage plus naturels.
Or dans d’autres domaines, une substance naturelle ne signifie pas qu’elle est sans impact sur l’homme ou l’environnement.
Quant aux quantités d’énergies ou d’eaux consommées et retraitées dans chacun des processus, je n’ai pu trouver aucune information fiable sur ces sujets.
Terminologie
Tannage vient de tannin (ou tanin). Les tannins sont des composés naturels ou synthétiques. Leur origine est végétale, d’où l’appellation « tannage végétal ».
Tanner une peau pour la transformer en cuir consiste en premier lieu à la rendre imputrescible.
A noter que l’on rencontre les termes de tannerie et de mégisserie: leur métier est identique, c’est dans l’origine des peaux qu’on les distingue, la tannerie traite les peaux des grands animaux, majoritairement les bovins et la mégisserie celles des moutons, agneaux et chèvres.
Tannage végétal versus minéral : une finalité commune
En plus de rendre la peau imputrescible, il s’agit de renforcer ou transformer ses propriétés de résistance, de souplesse, de respirabilité ou d’imperméabilité, sa capacité à stocker ou absorber des corps gras ou cireux selon l’usage qui sera réservé au cuir, ou son entretien.
Les propriétés du cuir dépendent de la sélection des peaux puis d’actions chimiques dans les processus de tannage mais également d’actions mécaniques. (Compression, étirement des fibres qui vont donner plus ou moins de souplesse ou de rigidité au cuir).
En quoi la tannage végétal est il différent du tannage minéral ?
Hormis ces opérations mécaniques, les tanneries ont recours à des agents tannants qui ne sont pas nécessairement des tannins: le tannage minéral est réalisé avec des sels de minéraux ou de métaux (notamment de chrome) qui ont tendance à produire des cuirs souples et résistants à des chaleurs supérieures à 70 degrés, qui sont globalement très robustes à l’utilisation.
Le cycle du tannage dit minéral est assez court: il est réalisé en quelques jours, voire quelques heures.
L‘action des agents tannants est assez agressive, et pénètre les fibres à cœur.
L’action des tannins est plus lente, le tannage végétal nécessite une détrempe pour agir en profondeur dans les fibres, les peaux passent successivement dans des fosses de plus en plus concentrées en agents chimiques. Le cycle durait fréquemment 12 à 18 mois.
Ce type de tannage « lent » se pratique toujours, mais pour des raisons économiques, il est fréquemment réduit à un cycle d’un mois, le passage en fosse étant réduit au plus court, au profit du traitement en foulon, qui est un fut similaire à un tambour de machine à laver, dans lequel les peaux peuvent être immergées et brassées, et qui correspond au processus standard du tannage minéral.
Ces cuirs au tannage végétal sont généralement plus rigides, mais cela peut être contre balancé par des actions mécaniques sur les fibres.
Ils ont également moins d’élasticité dans leur épaisseur, ce qui permet de mouler, modeler le cuir tannage végétal à froid ou le « repousser »: cela consiste sur un cuir préalablement humidifié et qui n’a reçu aucune finition, à entailler la surface selon le contour d’un motif, puis à enfoncer la fleur du cuir (mais en la conservant) à l’aide de matoirs et d’un maillet.
Le tannage minéral est plus rapide, il a pris le pas sur le tannage végétal, il est plus productif, nécessite moins d’espace, il est globalement moins couteux.
A l’heure actuelle, la part du tannage minéral au niveau mondial est estimé à 85% contre 15% pour le tannage végétal.
La convergence des processus et l’impact sur la filière cuir au niveau des tanneries
Des progrès ont été réalisés pour réduire la durée du tannage végétal et surtout faire en sorte qu’une tannerie avec un seul type d’installation puisse pratiquer les deux types de tannage.
L’objectif est d’employer des méthodes identiques, en ne changeant que la nature chimique des agents de tannage.
Il existe d’autres procédés de tannage, avec des agents synthétiques, mais cela reste marginal, en revanche, certaines tanneries tentent d’améliorer les propriétés des cuirs en alternant les processus de tannage végétal puis minéral ou l’inverse.
On parle de double tannage.
Compte tenu des contraintes qui pèsent sur les tanneries pour consommer le moins possible d’eau et traiter les effluents, la profession s’est structurée notamment en Europe pour spécialiser certains sites qui traitent les peaux et effectuent le travail amont consistant à débarrasser les peaux de l’essentiel de leur épiderme contenant les poils, leurs follicules et des tissus sous-cutanés.
Ce travail s’appelle le « travail de rivière », car très consommateur d’eau.
S’en suivent les premières opérations visant à faire agir les agents de tannage, qu’ils soient d’origine végétal, minéral, métalliques, naturels ou synthétiques.
A ce stade, les peaux présentent une coloration blanche si elles ont reçu un tannage végétal (wet white), ou bleu clair pour un tannage minéral (wet bue).
Elles peuvent être vendues en l’état à d’autres tanneries qui vont poursuivre les opérations de tannage pour affiner les propriétés physiques du cuir, son aspect et réaliser les opérations de coloration et/ou de finition.
Je vous invite donc à consulter l’article traitant de la finition des cuirs en tannerie, car le mode de tannage a également un impact sur ces processus de finition.