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Préambule: les opérations amonts du tannage: l’essentiel des qualités des cuirs se joue ici :
Les premières opérations avant le processus de tannage proprement dit consistent à éliminer l’essentiel de l’épiderme contenant les poils ainsi que les tissus sous-cutanés pour ne conserver quasiment que le derme.


Les tanneries appellent ces opérations le « travail de rivière » car c’est celui qui consomme le plus d’eau, même si des progrès ont été réalisés en réduisant considérablement les consommations et les effluents sont systématiquement traités avant rejet. Voir le paragraphe « Standards environnementaux » de l’article Impact environnemental.
Les phases suivantes du tannage vont rendre imputrescibles les peaux, leur conférer une partie de leurs propriétés physiques, mécaniques, mais avant cela, selon l’aspect des peaux, un tri va être effectué, qui conditionnera la qualité finale des cuirs obtenus tout en déterminant le type de finition qu’ils recevront.

Cuirs pleine fleur et cuirs fleur corrigée
L’état de surface du cuir dépend donc des blessures, piqures et plis de mouvement des animaux donc de leur vie. L’épaisseur et la densité du derme varie selon l’espèce de l’animal, son âge et la zone du corps. Il comporte deux faces : celle externe correspond à la fleur du cuir, l’autre, interne, à la chair.
Lorsque cet état de surface est mauvais, la fleur doit être poncée, on parle alors de « fleur corrigée ».


Plus on s’éloigne de la « fleur » du cuir, plus on perd en densité. Plus on en élimine une partie de la fleur, plus on perd en résistance et en qualité visuelle.
Les espèces animales et la taille des animaux: impact sur la qualité du cuir
Les animaux de petite taille (veau, taurillon = veau non castré, l’agneau, le chevreau,…) sont préférés aux animaux adultes, car ayant vécus moins longtemps, leurs peaux sont censées présenter moins de défauts liés aux blessures, piqures, vergetures et plis de mouvement.
L’état de surface d’une peau avant tannage est le premier critère de qualité quelle que soit l’espèce.
Une peau entière de veau ou de taurillon sortie de tannerie mesure 3,5 à 4,5 m2 contre 5 à 6 m2 pour les bovins en général, les peaux de chevreau font généralement 0,3 à 0,4 m2, contre 0,5 m2 pour la chèvre, celles d’agneau 0,5 m2 contre 0,8 à 0,9 m2 pour les peaux de mouton.
Mais une fois le cuir transformé en sac à main, difficile de savoir quelle était la dimension de la peau. Dans la pratique, la hiérarchie se fait surtout au sein des bovins: le cuir de taurillon se veut plus ferme, ses fibres plus denses que le cuir de veau et à fortiori que les grands bovins. Mais le savoir-faire de la tannerie reste prépondérant car elle est en mesure de modifier les propriétés des peaux pendant les processus chimiques et mécaniques.
Chacun comprendra qu’il vaut mieux travailler sur une peau de vache de grande dimension qui présente un excellent état de surface que sur celle d’un taurillon qui comporte de nombreuses blessures, que l’alimentation et les conditions d’élevage et d’abattage des animaux ont également une importance sur la qualité et la densité des fibres.
Les cuirs « suédés » : Nubuck et cuirs Velours, leur confusion avec le Daim et la croute de cuir
Même si je n’aime guère ces qualités de cuir pour leur propension à se salir et se décolorer, l’emploi des cuirs velours et même des croutes velours contribue également à la valorisation des déchets alimentaires.
Le cuir de daim, une source de confusion
Contrairement à ce qu’on lit çà et là, l’espèce n’est protégée que dans sa région d’origine, la Turquie. En Europe, elle est classée préoccupation mineure sur la liste de l’Union internationale pour la conservation de la nature. (UICN).
Le cuir de daim est peu répandu, son aspect est proche du cuir de cerf, il n’est pas velouteux naturellement. Une confusion est faite car l’appellation commerciale « cuir de daim » désigne généralement un cuir suédé (Nubuck et cuirs velours, voir plus bas).
Examinons par ordre de qualité croissante les différentes variantes:
Croute de cuir ou croute velours – Une qualité médiocre
Il s’agit de la « croute » du cuir, qui est un sous-produit de la refente d’une peau, donc un déchet valorisé. Son aspect est quasi identique sur chacune de ses faces, l’aspect est semblable qu’il provienne de bovins, ovins, caprins.


S’agissant d’une refente, l’intérêt est avant tout économique puisque cela permet d’obtenir deux peaux plus fines en partant d’une épaisse, généralement peu utilisable en l’état pour les bovins. (10 mm et plus).
La croute de cuir est facilement déchirable contrairement aux cuirs qui conservent leur fleur.
Elle ne peut être vendue en tant que « Cuir », il doit être mentionné « Croute de cuir », voir l’article L’étiquetage en maroquinerie, elle ne doit pas être assimilée à un cuir suédé, n’étant pas considérée comme du cuir mais comme un déchet du cuir.
Cuir velours – Une bien meilleure résistance à la déchirure
Lorsque la fleur est endommagée, les tanneurs réservent ces peaux pour les cuirs fleur corrigée, qui sont poncées sur la fleur puis recouvertes d’une finition pigmentée assez épaisse pour dissimuler les défauts.
Quand les dommages ne pourront être suffisament masqués par ces procédés, alors la peau est utilisée sur l’envers après en avoir poncé le coté chair. On parle alors de « cuir velours ».
Ce cuir velours présente de meilleures propriétés que la croute, car il contient encore sa fleur.


Nubuck – Une qualité de cuir supérieure
C’est un cuir dont la fleur a été très légèrement abrasée, pour obtenir une surface duveteuse, soyeuse et veloutée, un touché « peau de pêche ». L’état de surface de la peau doit être bon car un léger ponçage ne peut faire disparaitre des défauts importants.
Quand ces défauts sont trop nombreux ou profonds, les peaux sont orientées pour devenir des cuirs fleur corrigée ou des cuirs velours. Les peaux transformées en nubuck sont donc d’un niveau de qualité équivalent aux cuirs pleine fleur.
Le nubuck n’est pas d’un animal, mais un procédé de transformation des peaux, majoritairement de bovins, mais il existe des nubuck de toutes espèces animales.


La transformation en tannerie n’altère pas la résistance mécanique ni les propriétés du nubuck hormis une porosité qui favorise l’encrassement.
Néanmoins, tous les cuirs suédés, ainsi que les croutes peuvent recevoir un traitement efficace s’il est réalisé en tannerie à cœur des fibres pour le protéger de l’humidité et des salissures. Toutefois, leur surface demeurera plus « ouverte » qu’un cuir pleine fleur, leur entretien restera plus délicat car ils ne reçoivent pas de finition filmogène, ce qui les rend sensibles à l’encrassement et particulièrement à la décoloration.
Le Nubuck est la meilleure qualité au sein de la catégorie des cuirs suédés car il a gardé la majeure partie de sa fleur, et celle-ci reste visible.
Les « cuirs » enduits et le tissu enduit « similicuir »
Les « cuirs » enduits, parfois désignés « Cuirs PU » ne sont pas des cuir, pas plus que les tissus enduits.
S’ils peuvent parfois rivaliser quand ils sont neufs avec les cuirs fleur corrigée, leur dégradation dans le temps est beaucoup plus rapide et inesthétique. Neufs, ils sont généralement reconnaissables à leur odeur caractéristique de plastique.
Afin de mieux valoriser la croute de cuir, qui rappelons le n’est pas du cuir mais un déchet du cuir, des industriels appliquent un revêtement polymère synthétique (PVC, Acrylique, Polyuréthane = PU) sur la croute, sur une face. L’appellation « Bycast » correspond à ce procédé, plutôt répandu pour les articles en ameublement, notamment les fauteuils et canapés.
L’aspect du revers avec son coté chair est identique au cuir et la face enduite parfois proche d’un cuir fleur corrigée. Toutefois, le revêtement polymère vieillira différemment et la surface se dégradera sans comparaison possible avec du cuir pleine fleur.
Le « similicuir » est constitué d’un support textile, généralement synthétique, qui reçoit également une enduction de polymère. La marque commerciale la plus connue pour ce procédé d’enduction similicuir est la marque « SKAÏ ».
Les matériaux « alternatifs »
Les matériaux alternatifs au cuir n’ont pour le moment pas fait la preuve de leur durabilité pour un usage en maroquinerie, ce qui pénalise leur impact environnemental global, mais les innovations sont nombreuses et seront donc à suivre …
Les « cuirs » végétaux, véganes, « cuirs » de fruits, de liège et autres « fleurissent ».
La législation interdit la mention « cuir » dans l’étiquetage d’un article réalisé avec ces matériaux puisque l’appellation « cuir » est réservée aux peaux tannées issues d’un animal.
Néanmoins, certains médias reprennent régulièrement les appellations « cuir végétal, cuir végan », ce qui est le « fruit » d’une méconnaissance de la législation mais surtout des procédés de fabrication.
En effet, la plupart de ces matériaux utilisent la chimie des polymères de synthèse pour transformer ou agglomérer des fibres végétales. Il est vrai que cela réduit potentiellement le besoin d’élevage d’animaux, et cela contribue au recyclage des déchets alimentaires végétaux ou des déchets de la transformation du bois.